Le Conseil d’Etat rappelle les règles applicables en matière de chiffrage du taux d’invalidité et en cas d’infirmités multiples.
Les faits :
Mr. B, militaire de l’armée de l’air depuis 1998, a formulé en 2013 une demande de pension militaire d’invalidité au titre d’une lombosciatalgie récidivante et de séquelles de blessure à la cheville droite.
En 2016, le Ministre de la Défense a rejeté cette demande au motif que le taux d’invalidité (25%) résultant de la lombosciatalgie, maladie contractée en temps de paix, n’atteignait pas le minimum requis de 30%, et que le taux d’invalidité résultant de l’instabilité de la cheville objet d’une blessure, n’atteignait pas le minimum requis de 10%.
Mr B a saisi le Tribunal Administratif, lequel a rejeté sa requête, le contraignant à saisir la Cour Administrative d’Appel de DOUAI qui, au contraire, a annulé le premier jugement mais seulement sur un point : la Cour a considéré que Mr B avait droit à une pension militaire d’invalidité au taux de 15% pour l’infirmité affectant sa cheville.
Le Ministère des Armées a formé un pourvoi contre cette partie de la décision, tandis que Mr. B l’a également contestée devant le Conseil d’Etat, mais uniquement en ce qu’elle confirmait le rejet de sa demande de pension au titre de la lombosciatalgie.
L’arrêt n°467854 du Conseil d’Etat du 30 juin 2023 annule l’arrêt de la Cour en ce qu’il a partiellement rejeté la demande de pension de Mr B:
Joignant les deux pourvois, le Conseil d’Etat commence par rejeter celui du Ministère des Armées.
La Haute Juridiction rappelle que la Cour était parfaitement en droit de faire prévaloir le rapport d’expertise médicale judiciaire qui considérait que Mr B subissait un taux d’invalidité de 15% dans la mesure où, en dépit d’une ligamentoplastie, il subissait des douleurs de type mécanique au niveau de la malléole externe et une instabilité chronique de la cheville droite.
Le Conseil d’Etat souligne que « c’est sans dénaturer les pièces du dossier que la Cour a pu estimer, alors même que l’examen clinique ne mettait pas en évidence de déficit fonctionnel significatif en dehors des éléments précédents et que les avis du Médecin chargé des pensions militaires d’invalidité (…) du Ministère de la Défense (…) et de la Commission Consultative Médicale (…) estimaient le taux d’invalidité correspondant inférieur au seuil de 10%, que le taux d’invalidité résultant des blessures à la cheville survenues alors que l’intéressé était en service devait être fixé à hauteur de celui préconisé par le rapport d’expertise ».
Cette partie de la décision illustre le fait que le Guide-Barème n’est qu’un « guide » et que, même s’il ne prévoit pas certaines séquelles, et même si elles n’entraînent pas de déficit fonctionnel significatif autre que des douleurs et une instabilité, elles peuvent ouvrir droit à pension si l’expertise judiciaire y est favorable, quand bien même les instances médicales du Ministère ont conclu en sens inverse.
Dans un second temps, le Conseil d’Etat fait droit au pourvoi de Mr B : il annule les dispositions de l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de DOUAI qui ont rejeté sa demande de pension au titre de la lombosciatalgie récidivante, au motif que le taux d’invalidité en résultant (25%) était inférieur au taux minimum de 30% requis.
En écho à son arrêt du 14 juin 2022 (voir les commentaires de cet arrêt sur le blog), le Conseil d’Etat retient en effet que « en statuant ainsi, sans tirer les conséquences de ce qu’elle avait également jugé que l’intéressé souffrait, par ailleurs du fait de blessures, d’une invalidité dont le taux devait être fixé à 15%, si bien que par application aux faits de l’espèce des règles précitées par l’article L14 du même code, le degré total d’invalidité de Mr B atteignait 40% et dépassait ainsi le seuil fixé au 2° de l’article L4 du même code, la Cour a commis une erreur de droit ».
En effet, la Cour Administrative d’Appel aurait dû appliquer les règles qui concernent les cas de cumul d’infirmités résultant de blessures et de maladies.
Le Conseil d’Etat souligne ainsi que, si une blessure génère déjà une invalidité dont le taux cumulé avec une maladie entraîne un taux d’invalidité d’au moins 30% (ici, 15+25 = 40%), le requérant a droit à la prise en compte du taux de cette maladie, même si, pris isolément, ce dernier n’est pas indemnisable : le cumul des taux d’invalidité permet l’indemnisation des deux infirmités.
Cet arrêt, qui confirme les précédentes décisions du Conseil d’Etat, est intéressant pour les personnes affectées d’infirmités multiples de type maladie et blessure, y compris si leurs instances sont actuellement en cours.
Maître Laure MATTLER
AVOCAT
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