Arrêt du Conseil d’Etat du 30 juin 2023

Le Conseil d’Etat rappelle les règles applicables en matière de chiffrage du taux d’invalidité et en cas d’infirmités multiples.

Les faits :

Mr. B, militaire de l’armée de l’air depuis 1998, a formulé en 2013 une demande de pension militaire d’invalidité au titre d’une lombosciatalgie récidivante et de séquelles de blessure à la cheville droite.

En 2016, le Ministre de la Défense a rejeté cette demande au motif que le taux d’invalidité (25%) résultant de la lombosciatalgie, maladie contractée en temps de paix, n’atteignait pas le minimum requis de 30%, et que le taux d’invalidité résultant de l’instabilité de la cheville objet d’une blessure, n’atteignait pas le minimum requis de 10%.

Mr B a saisi le Tribunal Administratif, lequel a rejeté sa requête, le contraignant à saisir la Cour Administrative d’Appel de DOUAI qui, au contraire, a annulé le premier jugement mais seulement sur un point : la Cour a considéré que Mr B avait droit à une pension militaire d’invalidité au taux de 15% pour l’infirmité affectant sa cheville.

Le Ministère des Armées a formé un pourvoi contre cette partie de la décision, tandis que Mr. B l’a également contestée devant le Conseil d’Etat, mais uniquement en ce qu’elle confirmait le rejet de sa demande de pension au titre de la lombosciatalgie.

L’arrêt n°467854 du Conseil d’Etat du 30 juin 2023 annule l’arrêt de la Cour en ce qu’il a partiellement rejeté la demande de pension de Mr B:

Joignant les deux pourvois, le Conseil d’Etat commence par rejeter celui du Ministère des Armées.

La Haute Juridiction rappelle que la Cour était parfaitement en droit de faire prévaloir le rapport d’expertise médicale judiciaire qui considérait que Mr B subissait un taux d’invalidité de 15% dans la mesure où, en dépit d’une ligamentoplastie, il subissait des douleurs de type mécanique au niveau de la malléole externe et une instabilité chronique de la cheville droite.

Le Conseil d’Etat souligne que « c’est sans dénaturer les pièces du dossier que la Cour a pu estimer, alors même que l’examen clinique ne mettait pas en évidence de déficit fonctionnel significatif en dehors des éléments précédents et que les avis du Médecin chargé des pensions militaires d’invalidité (…) du Ministère de la Défense (…) et de la Commission Consultative Médicale (…) estimaient le taux d’invalidité correspondant inférieur au seuil de 10%, que le taux d’invalidité résultant des blessures à la cheville survenues alors que l’intéressé était en service devait être fixé à hauteur de celui préconisé par le rapport d’expertise ».

Cette partie de la décision illustre le fait que le Guide-Barème n’est qu’un « guide » et que, même s’il ne prévoit pas certaines séquelles, et même si elles n’entraînent pas de déficit fonctionnel significatif autre que des douleurs et une instabilité, elles peuvent ouvrir droit à pension si l’expertise judiciaire y est favorable, quand bien même les instances médicales du Ministère ont conclu en sens inverse.

Dans un second temps, le Conseil d’Etat fait droit au pourvoi de Mr B : il annule les dispositions de l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de DOUAI qui ont rejeté sa demande de pension au titre de la lombosciatalgie récidivante, au motif que le taux d’invalidité en résultant (25%) était inférieur au taux minimum de 30% requis.

En écho à son arrêt du 14 juin 2022 (voir les commentaires de cet arrêt sur le blog), le Conseil d’Etat retient en effet que « en statuant ainsi, sans tirer les conséquences de ce qu’elle avait également jugé que l’intéressé souffrait, par ailleurs du fait de blessures, d’une invalidité dont le taux devait être fixé à 15%, si bien que par application aux faits de l’espèce des règles précitées par l’article L14 du même code, le degré total d’invalidité de Mr B atteignait 40% et dépassait ainsi le seuil fixé au 2° de l’article L4 du même code, la Cour a commis une erreur de droit ».

En effet, la Cour Administrative d’Appel aurait dû appliquer les règles qui concernent les cas de cumul d’infirmités résultant de blessures et de maladies.

Le Conseil d’Etat souligne ainsi que, si une blessure génère déjà une invalidité dont le taux cumulé avec une maladie entraîne un taux d’invalidité d’au moins 30% (ici, 15+25 = 40%), le requérant a droit à la prise en compte du taux de cette maladie, même si, pris isolément, ce dernier n’est pas indemnisable : le cumul des taux d’invalidité permet l’indemnisation des deux infirmités.

Cet arrêt, qui confirme les précédentes décisions du Conseil d’Etat, est intéressant pour les personnes affectées d’infirmités multiples de type maladie et blessure, y compris si leurs instances sont actuellement en cours.

Maître Laure MATTLER
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Arrêt du Conseil d’Etat n°436673 du 21 juillet 2022

Le Conseil d’Etat annule un arrêt de la Cour Régionale des Pensions de NIMES pour non-respect du principe du contradictoire.

Les faits :

Monsieur A…, client du Cabinet, demande le bénéfice d’une pension militaire d’invalidité, qui lui est refusé par décision du Ministère de la Défense du 29 août 2016.

Saisi par Monsieur A… d’un recours contre cette décision de rejet, le Tribunal des Pensions Militaire de NIMES lui accorde une pension par jugement après expertise du 12 octobre 2018, dont le Ministère interjette appel.

Devant la Cour, le Ministère dépose un mémoire tardivement, obligeant le militaire à lui répondre, puis le Ministère sollicite le renvoi du dossier lors de l’audience du 23 septembre 2019.

Ce renvoi étant refusé par la Juridiction, le Ministère prétend répliquer après l’audience, en adressant le 30 septembre 2019 une « note en délibéré » à la Cour et en lui transmettant une nouvelle pièce.

Or, le Greffe de la Cour ne transmet au Cabinet que la note en délibéré adverse, sans cette nouvelle pièce…

Malgré les protestations du Cabinet, par arrêt du 28 octobre 2019, la Cour fait droit à l’appel du Ministère et annule le premier jugement en s’appuyant sur ce nouveau document.

A juste titre, Monsieur A… forme un pourvoi contre cette décision.

Par arrêt du 21 juillet 2022, la 6ème chambre du Conseil d’Etat, annule l’arrêt de la Cour Régionale des Pensions de NIMES.

Les articles L711-2, R732-2 et R734-4 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre imposent aux juridictions des pensions de respecter le principe du contradictoire en transmettant aux demandeurs les mémoires et pièces de l’administration.

Par suite, le Conseil d’Etat retient à juste titre que « Il ressort cependant des pièces du dossier que cette pièce n’a pas été communiquée au requérant devant la Cour. Il résulte de ce qui précède qu’en se fondant sur cette pièce, sans la soumettre à M. A…, la Cour Régionale des Pensions de NIMES a méconnu le caractère contradictoire de la procédure. Par suite, M. A… est fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ».

Le Conseil d’Etat renvoie l’affaire, pour qu’elle soit valablement tranchée sur le fond, à la Cour Administrative d’Appel de TOULOUSE, qui dira si la demande de pension militaire d’invalidité de Monsieur A… est recevable et, dans l’affirmative, si elle est bien fondée.

Cette affaire, qui dure déjà depuis plus de 7 ans (la demande de pension militaire d’invalidité date du 29 juillet 2015), et toujours en cours …

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Arrêt de la Cour Administrative d’Appel de MARSEILLE du 11.06.2021

La Cour introduit la notion d’illégalité fautive du refus d’octroi d’une pension militaire d’invalidité et indemnise un militaire au titre des pertes de revenus (retraite, congé) occasionnés par ce refus.

Les Faits :

En 2009, le Ministre de la Défense a refusé d’octroyer à Monsieur B… une pension militaire d’invalidité au motif que sa maladie (troubles anxieux et dépressifs) n’était pas imputable au service.

En 2014, cette décision de rejet a été annulée par le Conseil d’Etat, qui a reconnu l’imputabilité de la maladie au service et a accordé une Pension militaire d’invalidité à Monsieur B…

Ce dernier a alors formé une demande préalable d’indemnisation des préjudices résultant pour lui de l’absence de reconnaissance, en 2009, de cette imputabilité au service. Cette demande a été implicitement rejetée par le Ministre de la Défense.

En 2018, saisi par Monsieur B…, le Tribunal Administratif de TOULON a condamné l’Etat à verser à l’intéressé la somme de 158 956€ au titre de l’ensemble de ses préjudices.

Par arrêt du 11 juin 2021, la Cour Administrative d’Appel, saisie par la Ministre des Armées, a réduit cette somme à 67 314,17€, et ce de façon critiquable, de sorte que, sur ce point uniquement le Conseil d’Etat l’a censuré.

Pour le reste, l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de MARSEILLE est définitif et particulièrement intéressant.

L’arrêt n°18MA05442 de la 7ème Chambre de la CAA de MARSEILLE retient la responsabilité de l’Etat pour faute en raison de son refus d’accorder une pension militaire d’invalidité :

La Cour condamne l’Etat à indemniser le militaire, dès lors que son refus de Pension militaire d’invalidité a causé trois types de préjudices à l’intéressé :

  • Un préjudice financier au titre des droits à Congé Longue Durée pour Maladie: son Congé n’ayant initialement pas été jugé en lien avec le service, Monsieur B… n’a perçu sa solde entière que pendant 3 ans, avant de percevoir une demi-solde, alors que la Cour considère qu’il aurait dû percevoir une solde complète pendant 5 ans, puis une demi-solde pendant 3 ans.

Rejetant l’argumentation du Ministère des Armées, la Cour rappelle que la pension militaire d’invalidité n’a pas à être déduite de l’indemnisation due au militaire de ce chef.

Surtout, la Cour fait un lien intéressant entre la Pension Militaire d’Invalidité et le Congé Longue Durée pour Maladie : elle estime que, lorsque l’imputabilité d’une affection au service est consacrée par l’attribution d’une pension militaire d’invalidité, cette reconnaissance doit amener l’Etat à considérer que le Congé Longue Durée pour Maladie du militaire est survenu du fait ou l’occasion de l’exercice de ses fonctions.

La Cour tend donc à lier le sort du Congé Longue Durée pour Maladie à celui de la demande de pension militaire d’invalidité du militaire : si l’affection est reconnue imputable au service en matière de pension militaire d’invalidité, elle doit également l’être en matière de Congé Longue Durée pour Maladie.

  • Un préjudice financier en termes de droits à la retraite: la Cour retient une faute de l’Etat résultant du fait que le militaire, faute de reconnaissance de l’imputabilité de l’affection au service, a été placé à la retraite d’office plus tôt que prévu, alors qu’il aurait dû bénéficier de 3 ans de Congé Longue Durée pour Maladie supplémentaires et bénéficier d’un calcul plus favorable de ses droits à la retraite.

La Cour rejette l’argument du Ministère lié à la prescription de la demande d’indemnisation, au motif que l’article 55 du Code des Pensions Civiles et Militaires de Retraite ne s’applique pas.

  • Un préjudice moral: la Cour accorde au militaire, comme le Tribunal l’a fait avant elle, une indemnisation de 10 000€, dont le montant est suffisamment exceptionnel pour être souligné.

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Arrêt du Conseil d’Etat n°445971 du 14 juin 2022

Le Conseil d’Etat souligne, en écho à son arrêt du 22 mars 2022, que l’existence de deux infirmités, de type blessure et maladie, suffit à entraîner l’application des règles régissant le cas d’infirmités multiples, y compris si l’ouverture du droit à pension pour ces deux infirmités a été demandé en même temps et qu’elles sont examinées dans le cadre de la même instance.

I – Les faits :

Monsieur C…, ressortissant Ukrainien, s’est engagé dans la Légion Etrangère en 2009.

En 2015, il a formulé une demande de pension militaire d’invalidité au titre notamment d’un syndrome anxiodépressif et des séquelles d’une fracture de la mandibule.

En 2017, la Ministre des Armées a rejeté sa demande, ce qui l’a contraint à saisir le Tribunal des Pensions Militaires d’Invalidité de MARSEILLE.

Après jugement avant dire-droit du 31 janvier 2019, le Tribunal a, par jugement du 8 août 2019 :

  • D’une part, partiellement annulé la décision ministérielle de rejet du 21 décembre 2017,
  • D’autre part, octroyé à Monsieur C… une Pension Militaire d’Invalidité au titre de son syndrome anxiodépressif et de ses séquelles de fracture de la mandibule.

Saisie par la Ministre des Armées, la Cour Administrative d’Appel a annulé les deux jugements du Tribunal des Pensions de MARSEILLE ainsi qu’une partie de la décision du Ministère des Armées de 2017 et alloue à l’intéressé une pension militaire d’invalidité au taux de 20%.

Monsieur C… a saisi le Conseil d’Etat contre cet arrêt de la Cour, dès lors notamment qu’il a rejeté sa demande de pension au titre de l’infirmité « syndrome anxiodépressif ».

II – L’arrêt n°445971 du Conseil d’Etat du 14 juin 2022 annule l’arrêt de la Cour :

La Cour Administrative d’Appel était en présence d’une blessure (fracture de la mandibule) qu’elle reconnaissait comme ouvrant droit à pension, et d’une maladie (syndrome anxiodépressif) étrangère au service mais aggravée par le fait ou à l’occasion du service.

Le Conseil d’Etat relève que, pour déterminer si la maladie ouvrait droit à pension, la Cour Administrative d’Appel s’est trompée de règles applicables : elle s’est fondée sur celles qui concernent les infirmités résultant exclusivement de maladies et a exigé un degré d’invalidité total de 40%, alors qu’elle aurait dû se baser sur celles qui concernent les cas de cumul d’infirmités résultant de blessure et de maladie.

Le Conseil d’Etat rappelle ainsi que « dans le cas d’infirmités multiples résultant de maladie et de blessure, l’aggravation par le fait ou à l’occasion du service d’une infirmité étrangère à celui-ci ouvre droit à pension » à deux conditions :

  • Le taux d’aggravation imputable au service doit atteindre le seuil minimum indemnisable de 10%,
  • Le degré d’invalidité total entraîné par ces infirmités multiples doit être supérieur ou égal à 30% (et non à 40%).

Le Conseil d’Etat ne distingue pas selon qu’il s’agirait d’une demande initiale de pension ou d’une demande de révision pour aggravation, ni selon que l’infirmité préexistante aurait donné lieu à pension dans le cadre d’une instance préalable, ou pendant la même instance.

En l’espèce, il applique cette règle alors même que l’ouverture du droit à pension pour ces deux infirmités avait été demandé en même temps et qu’elles étaient examinées dans le cadre de la même instance.

Cet arrêt apparaît dès lors comme étant le pendant de celui rendu par le Conseil d’Etat le 22 mars 2022 relativement à un cas d’infirmités multiples résultant exclusivement de maladie (voir notre article « Arrêt du Conseil d’Etat du 22.03.2022 »).

Ainsi, le Conseil d’Etat décide que dès lors qu’un militaire bénéficie déjà d’une pension militaire d’invalidité pour blessure, les juridictions administratives doivent appliquer les dispositions relatives au cas d’infirmités multiples lorsqu’elles sont en présence d’une maladie étrangère au service aggravée par le fait ou à l’occasion de celui-ci : elles ne peuvent donc plus demander l’application d’un taux global minimum indemnisable de 40%, celui-ci passant à 30%.

A noter que ce qui est valable pour une maladie étrangère au service aggravée par le fait ou à l’occasion de celui-ci est de plus fort applicable pour une maladie entièrement imputable au service.

Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat, après avoir fait application de la règle de BALTHAZAR et de l’élévation des degrés d’invalidité pour chaque infirmité supplémentaire voir notre article « Arrêt du Conseil d’Etat du 27 avril 2021 »), fixe à 40% la pension militaire d’invalidité de Monsieur C…, pour les deux infirmités.

Cet arrêt est très intéressant pour les personnes affectées d’infirmités multiples de type maladie et blessure, y compris si leurs instances sont actuellement en cours.

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Arrêt n°442509 du Conseil d’Etat du 22 mars 2022

Le Conseil d’Etat souligne qu’en matière de maladie, l’existence de deux infirmités suffit à entraîner l’application des règles régissant le cas d’infirmités multiples et que ces deux infirmités peuvent s’entendre aussi bien de maladies contractées par le fait ou à l’occasion du service, ou de maladies étrangères au service mais aggravées par le fait ou à l’occasion de celui-ci : le minimum indemnisable n’est pas de 30 % mais de 10%, y compris si l’ouverture du droit à pension pour ces deux infirmités a été demandé en même temps et qu’elles sont examinées dans le cadre de la même instance.

I – Les faits :

Monsieur K… a contesté la décision du 1er juillet 2008 par laquelle le Ministre de la Défense a rejeté sa demande de pension militaire d’invalidité (formulée en 2002 !).

Le Tribunal des pensions militaires d’invalidité de MARSEILLE a procédé en deux temps :

  • Le 11 juin 2015, il a reconnu à Mr K… un droit à pension pour « trouble anxiodépressif» au taux de 30% et ordonné une expertise portant sur ses autres infirmités,
  • Puis, le 9 mai 2019, le Tribunal a infirmé la décision de rejet du Ministre du 1er juillet 2008 et a reconnu à Monsieur K… un droit à pension militaire d’invalidité notamment pour hypertension artérielle avec retentissement cardiaque (15%).

Par arrêt du 15 juillet 2020, la Cour Administrative d’Appel de MARSEILLE, saisie par la Ministre des Armées, a annulé le jugement du Tribunal des Pensions de MARSEILLE du 9 mai 2019 et a rejeté toutes les demandes de Monsieur K…

Ce dernier a saisi le Conseil d’Etat en lui demandant d’annuler l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de MARSEILLE du 15 juillet 2020, uniquement en ce qu’il lui a dénié le droit à pension pour l’infirmité liée à l’hypertension artérielle.

L’arrêt n°442509 du Conseil d’Etat du 22 mars 2022 annule l’arrêt de la Cour :

En matière de maladie, le taux d’invalidité minimum pour obtenir une PMI est de 30 %.

Régulièrement, lorsqu’un militaire déjà pensionné subit une autre infirmité qui constitue soit une maladie partiellement imputable au service soit une aggravation de maladie étrangère au service, les juridictions l’examinent isolément et refusent tout droit à pension si elle n’entraîne pas un taux au moins égal à 30%.

C’est ainsi que la Cour Administrative d’Appel de MARSEILLE avait estimé que l’hypertension artérielle avec retentissement cardiaque de Monsieur K… était étrangère au service mais aggravée par le seul fait du service et que le taux d’invalidité qu’elle entraînait était de 15% dont seulement 10% imputables au service :  considérant que le taux d’invalidité de 30% constituait le minimum indemnisable en matière de maladie, elle avait jugé qu’elle n’ouvrait pas droit à pension.

Or, le Conseil d’Etat considère que la Cour a commis une erreur de droit et qu’elle aurait dû appliquer les règles qui régissent la présence d’infirmités multiples, puisque Monsieur K… était déjà pensionné pour maladie « trouble anxiodépressif » : seul le minimum indemnisable de 10% lui était applicable.

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat rappelle en effet que, pour qu’en présence d’infirmités multiples résultant exclusivement de maladie, l’aggravation par le fait ou à l’occasion du service d’infirmités étrangères au service ouvre droit à pension, deux conditions doivent être réunies :

  • Le taux d’aggravation doit atteindre à lui seul le minimum indemnisable de 10%,
  • Le degré d’invalidité total entraîné par les infirmités multiples doit être supérieur ou égal à 40%.

Puis, le Conseil d’Etat se penche sur la deuxième condition requise : il souligne que, pour la prise en compte du degré d’invalidité total de 40 % entraîné par les infirmités multiples, il convient de prendre en compte tant les infirmités survenues par le fait ou à l’occasion du service, que les aggravations par le fait ou à l’occasion du service d’infirmités étrangères au service.

C’est ainsi que le Conseil d’Etat conclut que, « en ne prenant pas en considération, pour apprécier le droit au bénéfice d’une pension au titre de l’aggravation de l’hypertension artérielle, l’existence de l’affection « trouble anxiodépressif » au titre de laquelle une pension militaire d’invalidité a déjà été allouée à l’intéressé et en ne regardant pas ces deux affections comme des infirmités multiples au sens du 3° de l’article L4 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, la Cour Administrative d’Appel a commis une erreur de droit » en ne reconnaissant pas à Monsieur K… un droit à pension pour l’infirmité liée à l’hypertension artérielle, alors que le minimum indemnisable de 10% était atteint.

Ainsi, en matière d’aggravation par le service, d’une maladie qui lui est étrangère, les juridictions des pensions militaires d’invalidité ne peuvent exiger un taux minimum indemnisable de 30%, s’il existe d’ores et déjà une infirmité pensionnée constituant une maladie ou une aggravation par le fait du service d’une infirmité étrangère à celui-ci.

A noter que ce qui est valable pour une maladie étrangère au service aggravée par le fait ou à l’occasion de celui-ci est de plus fort applicable pour une maladie entièrement imputable au service.

Le Conseil d’Etat ne distingue pas selon qu’il s’agirait d’une demande initiale de pension ou d’une demande de révision pour aggravation, ni selon que l’infirmité préexistante aurait donné lieu à pension dans le cadre d’une instance préalable, ou pendant la même instance.

En l’espèce, il applique cette règle alors même que l’ouverture du droit à pension pour ces deux infirmités avait été demandé en même temps et qu’elles étaient examinées dans le cadre de la même instance.

Dans un second temps, le Conseil d’Etat décide de régler l’affaire au fond :

  • En appliquant la « règle de BALTHAZAR» et l’article L14 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (voir notre article « Arrêt du Conseil d’Etat du 27 avril 2021 »),
  • En constatant que le taux d’invalidité résultant des infirmités multiples est supérieur à 40% puisque égal à 40,5%, et alloue à Monsieur K… une pension militaire d’invalidité au taux de 45%, en rappelant que le degré d’invalidité s’apprécie de 5 en 5.

Cet arrêt est très intéressant pour les personnes affectées d’infirmités multiples de type maladie, y compris si leurs instances sont actuellement en cours.

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ARRET DU CONSEIL D’ETAT DU 10 DECEMBRE 2021

I – Les faits :

Monsieur I…, légionnaire titulaire d’une pension militaire d’invalidité au taux de 55%, a formulé une demande de révision de cette pension pour cause d’aggravation par apparition d’une infirmité nouvelle « séquelles d’entorses de la cheville droite traitées chirurgicalement ».

Il a demandé au Tribunal des Pensions de MARSEILLE de réformer l’arrêté ministériel du 23 octobre 2017 qui refusait de l’indemniser pour cette infirmité nouvelle au motif que, si le taux global de cette infirmité était de 20%, seuls 5% étaient imputables au service, taux non indemnisable puisqu’inférieur à 10%.

Le 13 septembre 2018, le Tribunal a accordé à Monsieur I…, pour cette infirmité, une pension militaire d’invalidité au taux de 20%, dont 15% imputables au service.

Monsieur I… a saisi le Conseil d’Etat contre l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de MARSEILLE qui, à la demande du Ministre des Armées, a annulé ce jugement du 13 septembre 2018 et a rejeté la demande du légionnaire.

II – L’arrêt n°442111 du Conseil d’Etat du 10 décembre 2021 annule l’arrêt de la Cour :

Le Conseil d’Etat considère en effet que la Cour a commis une erreur de droit en considérant que Monsieur I… n’avait pas participé à une mission opérationnelle.

Pour ce, le Conseil d’Etat souligne que ce légionnaire a été victime d’une entorse de la cheville droite le 3 juin 2008 alors qu’il était affecté à DJIBOUTI dans le cadre d’un renfort temporaire à l’étranger.

Or, la présence militaire Française à DJIBOUTI, qui résultait de la mise en œuvre du protocole provisoire du 27 juin 1977 fixant les conditions de stationnement des forces Françaises conclu entre la France et la République de DJIBOUTI, constituait bien une mission opérationnelle au sens du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre.

Par conséquent, les infirmités résultant de blessures reçues par suite d’accidents survenus pendant cette mission sont susceptibles d’ouvrir droit à pension.

Le Conseil d’Etat recadre donc le débat : il n’est pas question pour les juridictions des pensions d’exiger des militaires ou anciens militaires la preuve de la participation à une « mission effectuée à l’étranger au titre d’Unités Françaises ou Alliées ou de Forces Internationales conformément aux obligations et engagements internationaux de la France ».

Le militaire doit simplement démontrer qu’il a été envoyé en mission sur un territoire sur lequel stationnent légalement des forces Françaises, pour que la notion de mission opérationnelle soit retenue.

Reste qu’il est aberrant que le Ministère des Armées en vienne à contester l’existence de missions opérationnelles quand il envoie ses militaires en opération à l’étranger !

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Arrêt du Conseil d’Etat du 17 décembre 2021

Le Conseil d’Etat précise que les recours formés en matière de pension militaire d’invalidité interrompent le cours de la prescription des actions en indemnisation complémentaire.

Les faits :

Monsieur K … s’est vu reconnaître le bénéfice d’une pension militaire d’invalidité dont le taux a été porté à 100% par jugement du Tribunal des Pensions de NOUMEA de 2013.

En 2016, il a sollicité l’indemnisation des préjudices non réparés par cette pension : sa demande a été rejetée par le Ministère des Armées, puis par la Commission des Recours des Militaires et par le Tribunal Administratif de BORDEAUX.

Monsieur K … a saisi le Conseil d’Etat contre l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX qui a rejeté son appel contre ce jugement.

L’arrêt n°448614 du Conseil d’Etat du 17 décembre 2021 annule l’arrêt de la Cour :

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat rappelle :

  • Que le titulaire d’une Pension Militaire d’Invalidité qui a subi d’autres préjudices que ceux que cette pension doit réparer, peut prétendre à une indemnité complémentaire, soit au titre de la jurisprudence BRUGNOT, soit en engageant la responsabilité pour faute de l’Etat,
  • Que les créances sur l’Etat sont prescrites à l’issue d’un délai de 4 ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis,
  • Et que la prescription est interrompue par tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance.

Le Conseil d’Etat souligne ensuite :

  • que le recours formé devant une juridiction statuant en matière de pension militaire d’invalidité porte sur le fait générateur de la créance née d’une infirmité imputable au service, pour l’ensemble des préjudices liés à cette infirmité y compris ceux que la pension militaire d’invalidité n’a pas pour objet de réparer,
  • que l’exercice d’un tel recours interrompt le cours de la prescription pour ceux des préjudices, non réparés par la pension militaire d’invalidité, pour lesquels le titulaire de la pension peut demander une indemnité complémentaire,
  • que la Cour Administrative d’Appel donc a commis une erreur de droit en considérant que le délai de prescription de 4 ans n’avait pas été interrompu par le recours de Monsieur K… devant le Tribunal des Pensions de NOUMEA, portant sur le montant de sa pension militaire d’invalidité relative à la même infirmité. Il annule donc la décision de la Cour et renvoie l’affaire pour qu’elle soit rejugée.

Ainsi, lorsque le militaire dispose d’une décision définitive en matière de pension militaire d’invalidité, le délai pour agir en indemnisation complémentaire repart de zéro pour une durée de 4 ans, ce qui est favorable aux justiciables du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre.

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ARRET DU CONSEIL D’ETAT DU 23 NOVEMBRE 2015

Le Conseil d’Etat déclare qu’en matière de PMI un militaire peut revoir ses demandes à la hausse après expertise médicale judiciaire et que la gêne fonctionnelle engendrée dans le temps par son infirmité peut être prise en compte.

LES FAITS :

Suite à un accident de parachutisme, Monsieur A. a formulé une demande de pension militaire d’invalidité : par arrêté du 3 octobre 2005, une pension temporaire lui a été accordée au taux de 35% au titre des séquelles de deux fractures ouvertes.

Le Tribunal Départemental des Pensions a ordonné une expertise médicale à la suite de laquelle le militaire a modifié ses demandes en sollicitant la fixation d’un taux d’invalidité plus important (100% en tout) que ceux initialement demandés (40% + 40%).

Par arrêt du 20 septembre 2012, la Cour Régionale des Pensions de PARIS a jugé que chacune des deux infirmités retenues par l’Expert devait être pensionnée au taux de 40% et a fixé à 80% le taux de la pension temporaire d’invalidité.

Monsieur A. a formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat en contestant le taux de 80% retenu par la Cour, lui reprochant de l’avoir déclaré irrecevable à augmenter, après l’expertise, le taux d’invalidité dont il demandait à bénéficier.

Le Ministère des Armées a également formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat, reprochant à la Cour d’avoir tenu compte, pour chiffrer le taux d’invalidité, d’éléments postérieurs aux faits dont elle avait été saisie.

L’arrêt n°364112 du Conseil d’Etat du 23 novembre 2015 annule partiellement l’arrêt de la Cour Régionale des Pensions :

Le Conseil d’Etat rappelle la « règle de Balthazar » en vertu de laquelle la Cour ne pouvait pas additionner les taux des deux invalidités (40% + 40% = 80%), et retient un taux de 70% (pour plus de détails sur l’application de cette règle, voir l’article « Arrêt du Conseil d’Etat du 27 avril 2021 »).

Mais l’apport de la décision du Conseil d’Etat est ailleurs.

Premièrement, elle énonce « que la personne qui saisit un Tribunal des Pensions en sollicitant la révision du taux d’invalidité d’une infirmité dont elle souffre est recevable à augmenter dans des conclusions présentées après expertise, le taux dont elle avait demandé à bénéficier avant que celle-ci ne soit ordonnée ».

Cette précision est importante dès lors que certaines juridictions considèrent que la demande formulée dans la requête du militaire devrait être « cristallisée » à cette date et ne pourrait donc plus être modifiée, même si l’Expert judiciaire évaluait le taux d’invalidité de façon plus favorable à l’intéressé.

Le Conseil d’Etat est très clair : la Cour a commis une erreur de droit en se fondant sur la première demande de Monsieur A. alors qu’il avait présenté une nouvelle demande, plus élevée, après le dépôt de l’expertise.

Deuxièmement, le Conseil d’Etat se prononce sur la prise en compte d’éléments postérieurs aux faits dont une juridiction est saisie, choisissant sur ce point de renvoyer les parties « dos à dos ».

Pour se faire, la Haute Juridiction commence par admettre que la Cour peut prendre en compte « les éléments du dossier qui lui (sont) soumis et les conclusions du rapport de l’Expert », mais encore le taux « proposé par l’administration dans le cadre d’une demande d’aggravation et (…) retenu pour la pension définitive », dès lors qu’elle ne se fonde pas sur ce dernier motif pour fixer le taux de la pension temporaire d’invalidité.

Ayant ainsi donné satisfaction au requérant, le Conseil d’Etat retourne en quelque sorte contre lui cette possibilité de prendre en compte les évolutions postérieures en considérant « que si (…) la décision relative à l’évaluation relative à l’invalidité au titre de laquelle la demande de pension est sollicitée doit se placer à la date de la demande de pension pour apprécier le degré d’invalidité de l’infirmité invoquée, cette évaluation doit (…) tenir compte de la gêne fonctionnelle engendrée dans le temps par ces infirmités ».

Le Conseil d’Etat en conclut que « si M.A était placé, à la date à laquelle la demande de pension a été présentée, dans un coma artificiel, cette circonstance n’est pas de nature à permettre de retenir un taux d’invalidité de 100% pour les infirmités liées aux séquelles des fractures des chevilles dont il a été victime lors de son accident ».

Cette notion de « gêne fonctionnelle engendrée dans le temps » par les infirmités est très intéressante pour les militaires puisqu’elle peut permettre la prise en considération d’une évolution postérieure de son état de santé en lien avec les invalidités imputables au service objet de la demande de pension ou de révision.

Maître Laure MATTLER
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ARRET DU CONSEIL D’ETAT DU 27 AVRIL 2021

Le Conseil d’Etat rappelle les règles de calcul du taux global d’invalidité indemnisé par une pension militaire d’invalidité.

Les faits :

Mr A a formulé une demande de révision de sa pension militaire d’invalidité pour cause d’aggravation, demande qui a été rejetée le 22 juillet 2016.

Par jugement du 26 janvier 2018, le Tribunal Départemental des Pensions de PARIS a confirmé la décision de rejet, refusant de revoir la pension à la hausse.

Mr A a interjeté appel de ce jugement et, par arrêt du 28 juin 2019, la Cour Régionale des Pensions de PARIS l’a annulé et a accordé à Mr A une pension militaire d’invalidité au taux global de 40% en additionnant les taux des infirmités « hypoacousie bilatérale avec perte de sélectivité » (20%), « acouphènes bilatéraux » (10%) et « vertiges » (10%).

Le Ministère des Armées a formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat, de même que Mr A, qui reprochait à la Cour d’avoir retenu un taux global de 40%, au lieu du taux de 50% qu’il demandait.

L’arrêt n°434450 du Conseil d’Etat du 27 avril 2021 annule l’arrêt de la Cour en énonçant :

« en statuant ainsi, elle a méconnu les dispositions de l’article L14 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre qui prévoient qu’en cas d’infirmités multiples dont aucune n’entraine d’invalidité absolue, d’une part, le taux d’invalidité est considéré intégralement pour l’infirmité la plus grave et, pour chacune des infirmités supplémentaires, proportionnellement à la validité restante et, d’autre part, quand l’infirmité principale entraine une invalidité d’au moins 20%, les degrés d’invalidité de chacune des infirmités supplémentaires sont élevées d’une, de deux ou de trois catégories suivant qu’elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité ».

Ainsi, le Conseil d’Etat tranche l’affaire au profit de Mr A en retenant « un taux d’invalidité de 46,6% (…) intermédiaire entre deux échelons », de sorte que Mr A a « droit à une pension d’invalidité au taux global de 50% » en application de l’article L9 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre.

Cet arrêt est l’occasion de donner un exemple détaillé du calcul résultant de la fameuse « règle de Balthazar » appliquée par le Conseil d’Etat dans le cas de Mr A :

  • Infirmité n°1 (hypoacousie) : 20% -> validité restante = 80%
  • Infirmité n°2 (acouphènes) : 10% + 5% = 15% -> 15% de 80% = 12% -> validité restante =100% – 20% – 12% = 68%
  • Infirmité n°3 (vertiges) : 10% + 10% = 20% -> 20% de 68% = 13,60%
  • Taux global : 20% + 12%+ 13,60% = 45,60%, arrondis à 50%.

Il importe de souligner que le Conseil d’Etat retient :

  • Que la PMI est due à Mr A. au taux de 50% à compter de sa demande de révision,
  • Que « l’Etat versera à M. A les intérêts au taux légal sur les arrérages de sa pension militaire d’invalidité à compter du 12 juin 2014, date de la réception de sa demande».

Cet arrêt, favorable aux militaires, doit être salué.

Maître Laure MATTLER
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ARRÊT DU CONSEIL D’ÉTAT DU 24 JUILLET 2019

Le Conseil d’État rappelle qu’une décision de juridiction des Pensions qui ne vise aucun texte de droit est nulle. Par ailleurs, il précise les conditions dans lesquelles la preuve de l’imputabilité d’une affection au service doit être rapportée en matière de Pension Militaire d’Invalidité.

Les faits :

M.B… a formulé une demande de pension militaire d’invalidité pour chondropathie fémoro-tibiale du genou droit, demande qui a été rejetée le 21 janvier 2013.

A sa demande, le Tribunal des Pensions Militaires de Nîmes a annulé cette décision ministérielle de rejet et lui a accordé une pension au taux de 15 % par jugement du 8 avril 2016.

Le Ministère de la Défense en a interjeté appel et, par arrêt du 22 janvier 2018, la Cour Régionale des Pensions de Nîmes a annulé ce jugement et rejeté la demande de M. B…, qui a formé un pourvoi devant le Conseil d’État.

L’arrêt n°419265 du Conseil d’État du 24 juillet 2019 (ci-joint) énonce :

 « Au nombre des règles générales de procédure que les juridictions des pensions sont tenues de respecter figure celle selon laquelle leurs décisions doivent mentionner les textes dont elles font application. » (…) « l’arrêt attaqué ne faisant mention de ces textes ni dans ses visas ni dans ses motifs (…) est entaché d’irrégularité ».

C’est à minima la 3ème fois en 2 ans que le Conseil d’État rappelle, dans les mêmes termes, cette règle élémentaire aux juridictions des pensions (voir arrêts CE 406621 du 4 octobre 2017 et 420669 du 12 juin 2019). Les justiciables peuvent, comme M.B…, la faire valoir en Justice pour obtenir l’annulation d’une décision défavorable.

Par ailleurs, après avoir annulé l’arrêt de la Cour et le jugement du Tribunal, le Conseil d’État règle l’affaire au fond au détriment du demandeur à pension.

Il souligne en effet : « il résulte des dispositions des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, dans leur rédaction applicable au litige, que le demandeur d’une pension, s’il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d’imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l’existence d’un fait précis ou de circonstances particulières de service à l’origine de l’affection qu’il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l’infirmité soit apparue durant le service, ni d’une hypothèse médicale, ni d’une vraisemblance, ni d’une probabilité, aussi forte soit-elle ».

Le Conseil d’État considère ensuite que cette preuve n’est pas rapportée, au motif :

– que le livret médical de M.B… mentionne son hospitalisation, mais que ni ce livret, ni aucun autre document médical ne renseigne sur les faits ayant conduit à son opération chirurgicale,

– que le fait qu’elle ait eu lieu dans un hôpital militaire ne prouve pas que la blessure résulte d’un accident de service,

– que le fait que l’expertise médicale ait conclu que l’infirmité de M. B… était partiellement imputable à l’accident qu’il évoque et à l’opération consécutive n’est pas probant, dès lors que l’expert indique qu’il s’est borné à transcrire les déclarations de l’intéressé s’agissant des circonstances de cet accident.

Il importe donc de bien insister auprès des militaires sur la nécessité de se réserver, autant que possible, la preuve de l’imputabilité de leurs blessures au service.

La preuve est libre, mais la difficulté récurrente est qu’elle dépend pour l’essentiel des autorités militaires, qui sont seules à rédiger les documents les plus probants, à savoir le rapport circonstancié décrivant les circonstances précises de la survenance de l’accident, le registres des constatations des blessures et maladies survenues en service, le livret médical militaire, la Déclaration d’Affection Présumée Imputable au Service (DAPIAS), etc.

S’ils sont en état de le faire, les militaires doivent se montrer vigilants, non seulement quant à la rédaction de ces documents, mais encore quant à leur rédaction rapide, car il arrive que le Ministère des Armées aille jusqu’à remettre en cause les documents rédigés par sa hiérarchie militaire, mais qui n’ont pas été établis dans les jours qui suivent l’accident, ce qui ne manque pas de poser problème notamment sur le théâtre d’opérations extérieures très tendues, où les préoccupations quotidiennes sont très éloignées de la « paperasse »…

Lutter pour voir reconnaître ses droits de blessé, est un combat que nombre de militaires ne s’attendent pas à devoir mener contre l’Armée qui leur est toujours présentée comme leur « famille », mais dont la bienveillance protectrice s’arrête souvent où commencent les intérêts financiers de l’État …

Ce parcours du combattant juridique témoigne toujours et encore de leur courage !

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