Le Conseil d’État durcit les modalités de l’indemnisation intégrale des blessures et maladies subies par un militaire en service, en cas de faute de l’État.
Les faits :
En 2012, M.B… a été blessé au Tchad par des éclats de balles à la tête, à la suite d’une erreur de manipulation de son arme par un autre militaire qui a été reconnu coupable de blessures involontaires, d’usage illicite de stupéfiants et de violation de consignes par militaire.
M.B…a obtenu une pension militaire d’invalidité au taux de 40 %.
Il a également présenté une demande d’indemnisation des préjudices subis, qui a été rejetée par le Ministre de la défense.
Par jugement du 11 février 2016, le Tribunal Administratif de Paris a condamné l’État à lui verser une indemnité de 24 500 €, assortie des intérêts et de leur capitalisation.
Par arrêt du 5 juin 2018, la Cour Administrative d’Appel de Paris a rejeté l’appel formé par la Ministre des Armées contre ce jugement, ainsi que l’appel incident formé par M. B…tendant à ce que l’indemnité soit revalorisée.
La Ministre des Armées a saisi le Conseil d’État d’un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
L’arrêt n°422920 du Conseil d’État du 28 juin 2019 (ci-joint) opère un revirement de Jurisprudence au détriment des militaires blessés en service :
Depuis 1918, le Conseil d’État permettait d’engager la responsabilité de la personne publique du fait d’une faute personnelle de son agent, dès lors que les circonstances dans lesquelles elle avait été commise n’étaient « pas dépourvues de tout lien avec le service ».
Une présomption de faute de service est progressivement apparue depuis 1948 : le fait qu’une faute personnelle ait pu être commise par un agent dans le cadre du service était considéré comme révélant automatiquement « un fonctionnement défectueux du service public ».
La Cour Administrative d’Appel de Paris a appliqué cette Jurisprudence en faveur du militaire, mais le Conseil d’État décidé de modifier radicalement sa position en retenant à présent :
« Pour déterminer si l’accident de service ayant causé un dommage à un militaire est imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de l’État (…) il appartient au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de rechercher si l’accident est imputable à une faute commise dans l’organisation ou le fonctionnement du service ».
Le Conseil d’État annule ainsi l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel qui avait retenu l’existence d’une faute de l’Etat, considérant qu’elle a commis une erreur de droit aux motifs :
– que la Cour ne pouvait pas se borner à relever que l’accident dont a été victime M. B…trouvait sa cause dans la faute commise par un autre militaire, qui, sous l’emprise de cannabis, a procédé au nettoyage de son arme sans respecter les consignes de sécurité applicables, et que cette faute, commise sur les lieux et durant le temps du service, avec une arme de service, présentait malgré sa gravité un lien avec le service suffisant à engager la responsabilité de l’État,
– que la Cour ne pouvait pas engager la responsabilité de l’État en constatant simplement l’existence d’un lien entre la faute personnelle commise par cet autre militaire et le service : elle aurait dû rechercher si l’accident de service dont a été victime M. B… était imputable à une faute commise par l’administration dans l’organisation ou le fonctionnement du service.
En conséquence, à l’avenir toute faute personnelle commise par un militaire, occasionnant une blessure à un autre militaire sans que cette faute soit imputable à une imprudence ou à une négligence commise par les autorités militaires dans l’organisation ou le fonctionnement du service, exclura l’indemnisation intégrale du militaire.
Celle-ci ne sera possible que dans deux cas :
– faute de service pure, c’est-à-dire faute non personnelle commise pour l’exécution du service,
– cumul d’une faute personnelle d’un autre militaire et d’une faute de service.
Le militaire aura plus de mal qu’auparavant à obtenir une réparation intégrale de ses préjudices, puisqu’il ne lui suffira pas de prouver que la blessure a un lien avec le service : il devra établir la faute de sa hiérarchie engageant la responsabilité de l’État, ce qui ne sera pas facile puisque l’enquête diligentée à cette occasion est effectué par l’Administration elle-même… Il faudra donc demander une expertise judiciaire, aux frais avancés de la victime … !
Encore une évolution négative dont les blessés se seraient bien passés …
Cet arrêt étant l’occasion de revenir sur l’indemnisation du militaire blessé en service, un article plus détaillé, contenant davantage d’informations, y sera consacré dans les jours qui viennent.
Maître Laure MATTLER
AVOCAT
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