Le Conseil d’Etat souligne, en écho à son arrêt du 22 mars 2022, que l’existence de deux infirmités, de type blessure et maladie, suffit à entraîner l’application des règles régissant le cas d’infirmités multiples, y compris si l’ouverture du droit à pension pour ces deux infirmités a été demandé en même temps et qu’elles sont examinées dans le cadre de la même instance.
I – Les faits :
Monsieur C…, ressortissant Ukrainien, s’est engagé dans la Légion Etrangère en 2009.
En 2015, il a formulé une demande de pension militaire d’invalidité au titre notamment d’un syndrome anxiodépressif et des séquelles d’une fracture de la mandibule.
En 2017, la Ministre des Armées a rejeté sa demande, ce qui l’a contraint à saisir le Tribunal des Pensions Militaires d’Invalidité de MARSEILLE.
Après jugement avant dire-droit du 31 janvier 2019, le Tribunal a, par jugement du 8 août 2019 :
- D’une part, partiellement annulé la décision ministérielle de rejet du 21 décembre 2017,
- D’autre part, octroyé à Monsieur C… une Pension Militaire d’Invalidité au titre de son syndrome anxiodépressif et de ses séquelles de fracture de la mandibule.
Saisie par la Ministre des Armées, la Cour Administrative d’Appel a annulé les deux jugements du Tribunal des Pensions de MARSEILLE ainsi qu’une partie de la décision du Ministère des Armées de 2017 et alloue à l’intéressé une pension militaire d’invalidité au taux de 20%.
Monsieur C… a saisi le Conseil d’Etat contre cet arrêt de la Cour, dès lors notamment qu’il a rejeté sa demande de pension au titre de l’infirmité « syndrome anxiodépressif ».
II – L’arrêt n°445971 du Conseil d’Etat du 14 juin 2022 annule l’arrêt de la Cour :
La Cour Administrative d’Appel était en présence d’une blessure (fracture de la mandibule) qu’elle reconnaissait comme ouvrant droit à pension, et d’une maladie (syndrome anxiodépressif) étrangère au service mais aggravée par le fait ou à l’occasion du service.
Le Conseil d’Etat relève que, pour déterminer si la maladie ouvrait droit à pension, la Cour Administrative d’Appel s’est trompée de règles applicables : elle s’est fondée sur celles qui concernent les infirmités résultant exclusivement de maladies et a exigé un degré d’invalidité total de 40%, alors qu’elle aurait dû se baser sur celles qui concernent les cas de cumul d’infirmités résultant de blessure et de maladie.
Le Conseil d’Etat rappelle ainsi que « dans le cas d’infirmités multiples résultant de maladie et de blessure, l’aggravation par le fait ou à l’occasion du service d’une infirmité étrangère à celui-ci ouvre droit à pension » à deux conditions :
- Le taux d’aggravation imputable au service doit atteindre le seuil minimum indemnisable de 10%,
- Le degré d’invalidité total entraîné par ces infirmités multiples doit être supérieur ou égal à 30% (et non à 40%).
Le Conseil d’Etat ne distingue pas selon qu’il s’agirait d’une demande initiale de pension ou d’une demande de révision pour aggravation, ni selon que l’infirmité préexistante aurait donné lieu à pension dans le cadre d’une instance préalable, ou pendant la même instance.
En l’espèce, il applique cette règle alors même que l’ouverture du droit à pension pour ces deux infirmités avait été demandé en même temps et qu’elles étaient examinées dans le cadre de la même instance.
Cet arrêt apparaît dès lors comme étant le pendant de celui rendu par le Conseil d’Etat le 22 mars 2022 relativement à un cas d’infirmités multiples résultant exclusivement de maladie (voir notre article « Arrêt du Conseil d’Etat du 22.03.2022 »).
Ainsi, le Conseil d’Etat décide que dès lors qu’un militaire bénéficie déjà d’une pension militaire d’invalidité pour blessure, les juridictions administratives doivent appliquer les dispositions relatives au cas d’infirmités multiples lorsqu’elles sont en présence d’une maladie étrangère au service aggravée par le fait ou à l’occasion de celui-ci : elles ne peuvent donc plus demander l’application d’un taux global minimum indemnisable de 40%, celui-ci passant à 30%.
A noter que ce qui est valable pour une maladie étrangère au service aggravée par le fait ou à l’occasion de celui-ci est de plus fort applicable pour une maladie entièrement imputable au service.
Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat, après avoir fait application de la règle de BALTHAZAR et de l’élévation des degrés d’invalidité pour chaque infirmité supplémentaire voir notre article « Arrêt du Conseil d’Etat du 27 avril 2021 »), fixe à 40% la pension militaire d’invalidité de Monsieur C…, pour les deux infirmités.
Cet arrêt est très intéressant pour les personnes affectées d’infirmités multiples de type maladie et blessure, y compris si leurs instances sont actuellement en cours.
Maître Laure MATTLER
AVOCAT
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