Le Conseil d’Etat souligne qu’en matière de maladie, l’existence de deux infirmités suffit à entraîner l’application des règles régissant le cas d’infirmités multiples et que ces deux infirmités peuvent s’entendre aussi bien de maladies contractées par le fait ou à l’occasion du service, ou de maladies étrangères au service mais aggravées par le fait ou à l’occasion de celui-ci : le minimum indemnisable n’est pas de 30 % mais de 10%, y compris si l’ouverture du droit à pension pour ces deux infirmités a été demandé en même temps et qu’elles sont examinées dans le cadre de la même instance.
I – Les faits :
Monsieur K… a contesté la décision du 1er juillet 2008 par laquelle le Ministre de la Défense a rejeté sa demande de pension militaire d’invalidité (formulée en 2002 !).
Le Tribunal des pensions militaires d’invalidité de MARSEILLE a procédé en deux temps :
- Le 11 juin 2015, il a reconnu à Mr K… un droit à pension pour « trouble anxiodépressif» au taux de 30% et ordonné une expertise portant sur ses autres infirmités,
- Puis, le 9 mai 2019, le Tribunal a infirmé la décision de rejet du Ministre du 1er juillet 2008 et a reconnu à Monsieur K… un droit à pension militaire d’invalidité notamment pour hypertension artérielle avec retentissement cardiaque (15%).
Par arrêt du 15 juillet 2020, la Cour Administrative d’Appel de MARSEILLE, saisie par la Ministre des Armées, a annulé le jugement du Tribunal des Pensions de MARSEILLE du 9 mai 2019 et a rejeté toutes les demandes de Monsieur K…
Ce dernier a saisi le Conseil d’Etat en lui demandant d’annuler l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de MARSEILLE du 15 juillet 2020, uniquement en ce qu’il lui a dénié le droit à pension pour l’infirmité liée à l’hypertension artérielle.
L’arrêt n°442509 du Conseil d’Etat du 22 mars 2022 annule l’arrêt de la Cour :
En matière de maladie, le taux d’invalidité minimum pour obtenir une PMI est de 30 %.
Régulièrement, lorsqu’un militaire déjà pensionné subit une autre infirmité qui constitue soit une maladie partiellement imputable au service soit une aggravation de maladie étrangère au service, les juridictions l’examinent isolément et refusent tout droit à pension si elle n’entraîne pas un taux au moins égal à 30%.
C’est ainsi que la Cour Administrative d’Appel de MARSEILLE avait estimé que l’hypertension artérielle avec retentissement cardiaque de Monsieur K… était étrangère au service mais aggravée par le seul fait du service et que le taux d’invalidité qu’elle entraînait était de 15% dont seulement 10% imputables au service : considérant que le taux d’invalidité de 30% constituait le minimum indemnisable en matière de maladie, elle avait jugé qu’elle n’ouvrait pas droit à pension.
Or, le Conseil d’Etat considère que la Cour a commis une erreur de droit et qu’elle aurait dû appliquer les règles qui régissent la présence d’infirmités multiples, puisque Monsieur K… était déjà pensionné pour maladie « trouble anxiodépressif » : seul le minimum indemnisable de 10% lui était applicable.
Dans un premier temps, le Conseil d’Etat rappelle en effet que, pour qu’en présence d’infirmités multiples résultant exclusivement de maladie, l’aggravation par le fait ou à l’occasion du service d’infirmités étrangères au service ouvre droit à pension, deux conditions doivent être réunies :
- Le taux d’aggravation doit atteindre à lui seul le minimum indemnisable de 10%,
- Le degré d’invalidité total entraîné par les infirmités multiples doit être supérieur ou égal à 40%.
Puis, le Conseil d’Etat se penche sur la deuxième condition requise : il souligne que, pour la prise en compte du degré d’invalidité total de 40 % entraîné par les infirmités multiples, il convient de prendre en compte tant les infirmités survenues par le fait ou à l’occasion du service, que les aggravations par le fait ou à l’occasion du service d’infirmités étrangères au service.
C’est ainsi que le Conseil d’Etat conclut que, « en ne prenant pas en considération, pour apprécier le droit au bénéfice d’une pension au titre de l’aggravation de l’hypertension artérielle, l’existence de l’affection « trouble anxiodépressif » au titre de laquelle une pension militaire d’invalidité a déjà été allouée à l’intéressé et en ne regardant pas ces deux affections comme des infirmités multiples au sens du 3° de l’article L4 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, la Cour Administrative d’Appel a commis une erreur de droit » en ne reconnaissant pas à Monsieur K… un droit à pension pour l’infirmité liée à l’hypertension artérielle, alors que le minimum indemnisable de 10% était atteint.
Ainsi, en matière d’aggravation par le service, d’une maladie qui lui est étrangère, les juridictions des pensions militaires d’invalidité ne peuvent exiger un taux minimum indemnisable de 30%, s’il existe d’ores et déjà une infirmité pensionnée constituant une maladie ou une aggravation par le fait du service d’une infirmité étrangère à celui-ci.
A noter que ce qui est valable pour une maladie étrangère au service aggravée par le fait ou à l’occasion de celui-ci est de plus fort applicable pour une maladie entièrement imputable au service.
Le Conseil d’Etat ne distingue pas selon qu’il s’agirait d’une demande initiale de pension ou d’une demande de révision pour aggravation, ni selon que l’infirmité préexistante aurait donné lieu à pension dans le cadre d’une instance préalable, ou pendant la même instance.
En l’espèce, il applique cette règle alors même que l’ouverture du droit à pension pour ces deux infirmités avait été demandé en même temps et qu’elles étaient examinées dans le cadre de la même instance.
Dans un second temps, le Conseil d’Etat décide de régler l’affaire au fond :
- En appliquant la « règle de BALTHAZAR» et l’article L14 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (voir notre article « Arrêt du Conseil d’Etat du 27 avril 2021 »),
- En constatant que le taux d’invalidité résultant des infirmités multiples est supérieur à 40% puisque égal à 40,5%, et alloue à Monsieur K… une pension militaire d’invalidité au taux de 45%, en rappelant que le degré d’invalidité s’apprécie de 5 en 5.
Cet arrêt est très intéressant pour les personnes affectées d’infirmités multiples de type maladie, y compris si leurs instances sont actuellement en cours.
Maître Laure MATTLER
AVOCAT
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