Arrêt de la Cour Administrative d’Appel de MARSEILLE du 11.06.2021

La Cour introduit la notion d’illégalité fautive du refus d’octroi d’une pension militaire d’invalidité et indemnise un militaire au titre des pertes de revenus (retraite, congé) occasionnés par ce refus.

Les Faits :

En 2009, le Ministre de la Défense a refusé d’octroyer à Monsieur B… une pension militaire d’invalidité au motif que sa maladie (troubles anxieux et dépressifs) n’était pas imputable au service.

En 2014, cette décision de rejet a été annulée par le Conseil d’Etat, qui a reconnu l’imputabilité de la maladie au service et a accordé une Pension militaire d’invalidité à Monsieur B…

Ce dernier a alors formé une demande préalable d’indemnisation des préjudices résultant pour lui de l’absence de reconnaissance, en 2009, de cette imputabilité au service. Cette demande a été implicitement rejetée par le Ministre de la Défense.

En 2018, saisi par Monsieur B…, le Tribunal Administratif de TOULON a condamné l’Etat à verser à l’intéressé la somme de 158 956€ au titre de l’ensemble de ses préjudices.

Par arrêt du 11 juin 2021, la Cour Administrative d’Appel, saisie par la Ministre des Armées, a réduit cette somme à 67 314,17€, et ce de façon critiquable, de sorte que, sur ce point uniquement le Conseil d’Etat l’a censuré.

Pour le reste, l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de MARSEILLE est définitif et particulièrement intéressant.

L’arrêt n°18MA05442 de la 7ème Chambre de la CAA de MARSEILLE retient la responsabilité de l’Etat pour faute en raison de son refus d’accorder une pension militaire d’invalidité :

La Cour condamne l’Etat à indemniser le militaire, dès lors que son refus de Pension militaire d’invalidité a causé trois types de préjudices à l’intéressé :

  • Un préjudice financier au titre des droits à Congé Longue Durée pour Maladie: son Congé n’ayant initialement pas été jugé en lien avec le service, Monsieur B… n’a perçu sa solde entière que pendant 3 ans, avant de percevoir une demi-solde, alors que la Cour considère qu’il aurait dû percevoir une solde complète pendant 5 ans, puis une demi-solde pendant 3 ans.

Rejetant l’argumentation du Ministère des Armées, la Cour rappelle que la pension militaire d’invalidité n’a pas à être déduite de l’indemnisation due au militaire de ce chef.

Surtout, la Cour fait un lien intéressant entre la Pension Militaire d’Invalidité et le Congé Longue Durée pour Maladie : elle estime que, lorsque l’imputabilité d’une affection au service est consacrée par l’attribution d’une pension militaire d’invalidité, cette reconnaissance doit amener l’Etat à considérer que le Congé Longue Durée pour Maladie du militaire est survenu du fait ou l’occasion de l’exercice de ses fonctions.

La Cour tend donc à lier le sort du Congé Longue Durée pour Maladie à celui de la demande de pension militaire d’invalidité du militaire : si l’affection est reconnue imputable au service en matière de pension militaire d’invalidité, elle doit également l’être en matière de Congé Longue Durée pour Maladie.

  • Un préjudice financier en termes de droits à la retraite: la Cour retient une faute de l’Etat résultant du fait que le militaire, faute de reconnaissance de l’imputabilité de l’affection au service, a été placé à la retraite d’office plus tôt que prévu, alors qu’il aurait dû bénéficier de 3 ans de Congé Longue Durée pour Maladie supplémentaires et bénéficier d’un calcul plus favorable de ses droits à la retraite.

La Cour rejette l’argument du Ministère lié à la prescription de la demande d’indemnisation, au motif que l’article 55 du Code des Pensions Civiles et Militaires de Retraite ne s’applique pas.

  • Un préjudice moral: la Cour accorde au militaire, comme le Tribunal l’a fait avant elle, une indemnisation de 10 000€, dont le montant est suffisamment exceptionnel pour être souligné.

Maître Laure MATTLER
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Arrêt du Conseil d’Etat du 10 juin 2022

Le Conseil d’Etat rappelle les règles d’indemnisation applicables lorsqu’une pension militaire d’invalidité a été rejetée à tort.

Les Faits :

En 2009, le Ministre de la Défense a refusé d’octroyer à Monsieur C… une pension militaire d’invalidité au motif que sa maladie (troubles anxieux et dépressifs) n’était pas imputable au service.

En 2014, ce refus a été annulé le Conseil d’Etat, qui a reconnu l’imputabilité de la maladie au service.

L’intéressé a alors formé une demande préalable d’indemnisation des préjudices résultant pour lui de l’absence de reconnaissance, en 2009, de cette imputabilité au service.

Cette demande a été implicitement rejetée par le Ministre de la Défense.

En 2018, saisi par Monsieur C…, le Tribunal Administratif de TOULON a condamné l’Etat à verser à l’intéressé la somme de 158 956€ au titre de l’ensemble de ses préjudices.

Par arrêt du 11 juin 2021, la Cour Administrative d’Appel, saisie par la Ministre des Armées, a réduit cette somme à 67 314,17€.

Monsieur C…  a formé une pourvoi contre cet arrêt, en ce qu’il a limité l’indemnisation de son préjudice lié aux pertes de pension de retraite à la somme de 4 956€.

L’arrêt n°454655 du Conseil d’Etat du 10 juin 2022 annule l’arrêt de la Cour :

Pour calculer le préjudice financier lié à la perte de pensions de retraite subie par Monsieur C…, mis à la retraite d’office plus tôt qu’il n’aurait dû l’être, la Cour Administrative d’Appel a reconstitué le montant de la solde qu’il aurait dû percevoir de 2013 à 2016 et en a déduit le montant de la pension de retraite qui lui avait été versée au cours de cette période, puisqu’il a été mis à la retraite le 6 juin 2013.

Néanmoins, le Conseil d’Etat constate que Monsieur C… avait lui-même déduit de ses demandes les pensions militaires de retraite qu’il avait perçues, de sorte que la Cour les a déduites à tort une seconde fois et a ainsi « dénaturé les pièces du dossier ».

Réglant l’affaire au fond, le conseil d’Etat alloue à Monsieur C…, au titre de la perte de retraite, la somme de 85 801,61€, au lieu des 4 956€ retenus par la Cour.

Il faut également souligner que le Conseil d’Etat n’est pas revenu sur l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de MARSEILLE en ce qu’il a également condamné l’Etat à indemniser le militaire pour d’autres préjudices résultant de son refus de pension militaire d’invalidité : un préjudice moral et pour des pertes de revenus occasionnées en matière de Congé Longue Durée pour Maladie.

Il n’a pas non plus été amené à censurer l’arrêt de la Cour en ce qu’il a retenu que, si l’imputabilité au service est reconnue en matière de PMI, il doit l’être en matière de CLDM, ce qui est en définitive le plus intéressant.

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