Par trois arrêts du 8 février 2017, le Conseil d’État a étouffé le contentieux de l’alignement des PMI sur celles, injustement plus élevées, des marins.
En effet, un contentieux s’est élevé il y a de nombreuses années au sujet d’une inégalité criante qui existait depuis le décret n° 56 – 913 du 5 septembre 1956, qui fixait les indices des PMI des sous-officiers des armées de Terre, de l’Air et de la Gendarmerie à un niveau inférieur aux indices des PMI des militaires de grades équivalents dans la Marine Nationale.
Ainsi, il existait une différence de traitement entre titulaires de PMI, certains marins ayant, à taux d’invalidité égal et à grade équivalent, un indice de pension supérieur à celui des autres militaires.
La correction de cette inégalité s’est avérée longue et complexe, le Ministère de la Défense s’opposant à la revalorisation des pensions des militaires défavorisés, et ce pour des raisons budgétaires.
C’est la Jurisprudence qui a amorcé le mouvement d’égalisation, en procédant à ce qui fut appelé « l’alignement » ou encore « l’indexation » des indices injustement sous-évalués, sur ceux des Marins.
Pour ce, les Juges se sont fondés principalement sur l’article 14 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, le Tribunal Départemental des Pensions Militaires de Paris retenant souvent une formule très parlante :
« Le sang, qu’il fut versé par un militaire de l’armée de l’air, de l’armée de terre ou de l’armée de mer, n’a qu’une manière de couler ».
La résistance des juridictions des pensions, face aux injustices résultant des discriminations auxquelles le Ministère de la Défense procédait, a conduit le Gouvernement à prendre un Décret n° 2010-473 du 10 mai 2010, qui a aligné les indices des pensions d’invalidité accordées aux militaires de l’armée de Terre, de l’Air et de la Gendarmerie sur les indices des pensions des Marins, mettant ainsi fin, pour l’avenir, aux inégalités dénoncées.
Ce Décret n’a cependant pas réglé le sort des pensions accordées antérieurement à son entrée en vigueur, le 12 mai 2010, et des instances en cours à cette date.
Le Tribunal des Pensions de Paris a noté que « le gouvernement a donc, par l’adoption du décret précité, d’une part, reconnu, d’une manière flagrante, l’existence de la discrimination telle que caractérisée par ce Tribunal, mais d’autre part, procédé à un cumul de discriminations », en laissant perdurer celle qui atteint les « pensions concédées antérieurement au 10 mai 2010 ».
En effet, bien que présenté comme une « première étape » vers une harmonisation générale des indices, ce Décret n’a été suivi ni d’un projet de décret, ni d’un projet de loi visant à élargir l’alignement des indices aux pensions concédées avant l’entrée en vigueur du Décret du 10 mai 2010.
A nouveau, les Juges ont dû pallier cette carence, et l’ont fait dans un premier temps en faveur des militaires.
Ainsi, par arrêt n°324839 du 8 juin 2011 dit « MULET », par la suite confirmé par de nombreuses décisions, le Conseil d’État a consacré le principe d’égalité des droits des blessés ou malades à invalidité égale en matière de PMI, et a validé la Jurisprudence des juridictions des pensions, qui continuaient à aligner les indices des pensions antérieures au Décret du 10 mai 2010.
La recevabilité des recours des titulaires de ces pensions a rapidement fait l’objet d’un contentieux nourri, le Ministère de la Défense s’y opposant en arguant du fait que la saisine du Tribunal des Pensions Militaires d’Invalidité n’était recevable que si l’arrêté de concession de pension antérieur au 12 mai 2010 avait été contesté dans un délai de 6 mois.
Les Juridictions des pensions ont trouvé la parade, d’une part en relevant qu’elles pouvaient être valablement saisies dans les 6 mois des décisions de rejet prises par l’Administration, en considérant comme telles le silence gardé par le Ministère en présence d’une demande d’alignement, mais également les « courriers d’attente » qu’il adressait aux demandeurs en leur indiquant qu’il cherchait les moyens de leur répondre…
D’autre part et surtout, les juridictions des pensions ont retenu qu’un demandeur était recevable à les saisir, sans condition de délai, si le Ministère de la Défense n’était pas en mesure de rapporter la preuve de la notification de l’arrêté de concession de pension inégalitaire mentionnant correctement les voies et délais de recours au pensionné.
Le Conseil d’État a validé cette jurisprudence par arrêt n°331577 du 9 novembre 2011, confirmé notamment le 1er février 2012 et le 20 décembre 2012, ce qui a permis à de nombreux titulaires de PMI d’obtenir l’alignement de leurs pensions sur l’indice des marins, et les arrérages afférents.
En effet, pour les demandes de pensions traitées par le Ministère de la Défense jusqu’à l’année 2004 environ, les notifications de pensions qui étaient adressées aux demandeurs étaient majoritairement irrégulières et parfois même non retrouvées par les services de LA ROCHELLE.
Néanmoins, le Conseil d’État a opéré un revirement spectaculaire par trois arrêts n°392060, 392062 et 392064 du 8 février 2017 (voir liens ci-dessous), arrêts franchement défavorables aux pensionnés, puisqu’ils enferment la recevabilité de leurs recours dans un tout nouveau délai d’un an courant à compter de la notification de l’arrêté de concession de pension ou de la date à laquelle ils ont eu connaissance de cet arrêté, sauf circonstances particulières non définies.
En effet, le Conseil d’État affirme un principe de sécurité juridique qui implique que « ne puissent être remises en cause, sans condition de délai, des situations consolidées par l’effet du temps ».
Il considère ainsi que ce principe de sécurité juridique « fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui- ci a eu connaissance ».
Le Conseil d’État ajoute « en une telle hypothèse, si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l’absence de preuve qu’une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soit opposés les délais de recours fixés par le Code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable.
En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance ».
Or, il est très facile pour le Ministère de la Défense devenu Ministère des Armées de prouver que l’intéressé a eu connaissance de la décision lui accordant une pension, puisqu’il lui demande de remplir une « déclaration préalable à la mise en paiement de la pension ».
Celle-ci mentionne systématiquement que l’intéressé certifie avoir reçu l’arrêté de concession de pension, et cette déclaration est signée par l’intéressé.
Il est donc aisé pour le Ministère, comme il l’a fait devant le Conseil d’État, de démontrer qu’au jour de la signature de cette déclaration, le demandeur avait connaissance de l’arrêté de concession de pension, et que, partant, le délai d’un an a ensuite expiré !
C’est ainsi que le Conseil d’État, dans les trois arrêts susvisés, a donné raison au Ministère de la Défense et a considéré que c’était à tort qu’il avait été fait droit à la demande d’alignement des intéressés.
Ces arrêts sont particulièrement néfastes pour le contentieux de l’alignement, qui s’éteint donc actuellement, l’irrecevabilité des demandes étant systématiquement acquise.
A eux seuls, ces trois arrêts ont rendu opportunément inutile l’adoption d’un décret ou d’une loi élargissant l’alignement des indices aux pensions concédées antérieurement à l’entrée en vigueur du décret du 10 mai 2010 … et ont réduit le contentieux des PMI en vue de la suppression des juridictions des pensions au profit des juridictions administratives.
Le tout au détriment des titulaires de PMI victimes d’une inégalité de traitement pendant des années, ce qu’on ne peut que regretter.
Maître Laure MATTLER
AVOCAT
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