LE SÉNAT, SEUL REMPART RESTANT CONTRE LA REFORME DES JURIDICTIONS DES PENSIONS
L’article 32 du projet de Loi de Programmation Militaire est controversé puisqu’il prévoit la suppression des juridictions des Pensions Militaires d’Invalidité au profit des juridictions administratives, réforme qui apparaît contraire aux intérêts des justiciables du Code des Pensions Militaires d’Invalidité et des Victimes de Guerre, et autour de laquelle le Ministère des Armées a fait très peu de publicité.
Or, ce texte a été adopté au pas de course par l’Assemblée Nationale, dans des conditions consternantes :
- 20.03.2018 : LA REFORME DES JURIDICTIONS DES PENSIONS EST PASSÉE SOUS SILENCE
Le premier jour des débats sur le projet de LPM a été l’occasion de nombreux rapports et avis, dont aucun n’a mentionné la réforme des juridictions des pensions…
Les députés, qui étaient encore 98 vers 20h, étaient fort peu nombreux pour la séance de 21h30.
La motion de rejet préalable et la motion de renvoi du projet de Loi en commission ont été rapidement rejetées.
L’examen des dispositions du projet de Loi n’a commencé que vers 23h15, et n’a pu porter que sur les articles 1 et 2.
La séance s’est prolongée bien après minuit, à des horaires auxquels on peut évidemment douter de la qualité des décisions prises.
- 21.03.2018 : PENDANT QU’UN SOLDAT FRANÇAIS MEURT EN IRAK, PLUS DES TROIS QUART DES ÉLUS DÉSERTENT L’ASSEMBLÉE NATIONALE QUI EXAMINE LE PROJET DE LPM
Ce jour-là, alors que les débats sur le projet de LPM se poursuivaient devant une Assemblée Nationale presque vide, le Caporal POCHYLSKI, du 2ème REI basé à NÎMES, a trouvé la mort en IRAK dans le cadre de l’opération CHAMMAL.
Les autorités se sont empressées de réagir publiquement à son décès, mais cette réaction a souligné, par contraste, l’absence de mobilisation de nos représentants en faveur des survivants blessés, victimes militaires ou civiles de faits de service, de guerre ou d’actes de terrorisme.
Ainsi, les députés français n’étaient, pour poursuivre l’examen du projet de LPM, qu’une 60ne vers 20h, et une 40ne vers minuit, au lieu de 577 …
- NUIT DU 22 AU 23.03.2018 : ADOPTION DE L’ARTICLE 32 PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE
Ce texte a été adopté dans des circonstances déplorables (voir vidéo jointe, curseur sur 4h41) :
- Vers 2h du matin,
- Par moins de 50 députés,
- Après seulement quelques 19 minutes de débats, dont seulement 7 mn consacrées à l’intervention des députés opposés à l’article 32,
- Alors que seuls 3 députés ont déposé des amendements pour voir supprimer cet article (d’autres élus avaient annoncé publiquement leur intention d’intervenir de chef mais s’en sont abstenus),
- Avec maintien de l’aide juridictionnelle de droit mais extension du domaine du RAPO aux droits annexes à la PMI (soins, appareillages, etc.),
- Après affirmation, par le Ministère et le rapporteur de la Commission de la Défense évoquant principalement les associations du Monde Combattant, selon laquelle « toutes les associations ont été consultées», ce qui n’est pas le cas, un député ayant d’ailleurs fait remarquer que celles qui l’ont été ne se sont pas senties consultées mais « mises devant le fait accompli » …
- 27.03.2018 : LE JOUR DE LA PREMIÈRE CÉRÉMONIE D’HOMMAGE AU LIEUTENANT-COLONEL BELTRAME, ADOPTION DU PROJET DE LPM DANS SA GLOBALITÉ PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE
L’actualité nous a rappelé cruellement, le 23 mars dernier, quelques heures seulement après l’adoption de l’article 32, que le terrorisme fait toujours des blessés et des morts, notamment parmi nos héroïques militaires. Depuis, les hommages se multiplient en direction des victimes et spécialement à la mémoire du Lieutenant-Colonel BELTRAME, dont le comportement exemplaire fait l’admiration de tous.
L’un de ces hommages a eu lieu le 27 mars 2018, et contrairement aux jours précédents, les députés se sont alors présentés beaucoup plus nombreux à l’Assemblée Nationale, à l’ordre du jour de laquelle des questions au Gouvernement relatives aux attentats de l’Aude avaient été inscrites, après une minute de silence qui se devait, médiatiquement, d’être observée par le plus grand nombre possible d’élus…
Néanmoins, après la suspension qui a fait suite à ces questions au Gouvernement, lorsque le projet de LPM a recommencé à être examiné, les bancs étaient très clairsemés, et se sont remplis progressivement pendant les explications de vote (qui n’ont nullement évoqué la réforme des juridictions des pensions), ponctuées de bavardages gênants pour les orateurs, l’un d’eux ayant même été contraint de demander à ses collègues de retourner discuter « à la buvette » … (voir vidéo jointe, curseur sur 1h30).
L’analyse du scrutin relatif au projet de LPM, adopté hélas dans cette ambiance, l’heure et la faible durée du vote global de l’Assemblée Nationale, conduisent tout de même à relativiser cette soudaine mobilisation pour la chose militaire, puisque 137 députés se sont abstenus, et 115 ont voté par délégation.
Dès le vote opéré publiquement, de nombreux élus se sont d’ailleurs rapidement dirigés vers la sortie …
En conclusion : réforme noyée dans un projet de loi ayant un autre objet, procédure parlementaire accélérée, débats anticipés de plusieurs mois, peu suivis et voués à se dérouler pour l’essentiel en nocturne… autant de précautions visant un passage en force de la réforme devant un hémicycle la plupart du temps quasi-vide en évitant la mobilisation des associations du Monde Combattants, qui s’y opposent.
Il est important qu’elles fassent valoir leurs réticences, ne serait-ce que pour rendre nécessaire une concertation, ceci d’autant plus que l’article 32, tel qu’il est actuellement conçu dans le projet de loi, laisse toute latitude au Ministère des Armées pour fixer les conditions du transfert du contentieux aux juridictions administratives, et notamment pour organiser un Recours Administratif Préalable Obligatoire fort décrié.
Dernier rempart contre l’article 32, le Sénat examinera prochainement le projet de LPM 2019-2025 : pour tenter de faire respecter les droits des blessés relevant du Code des Pensions Militaires d’Invalidité et des Victimes de Guerre, il apparaît donc urgent de mobiliser les Sénateurs !
Maître Laure MATTLER
AVOCAT
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