REFORME DES JURIDICTIONS DES PENSIONS : DÉCRET 2018-1291 du 28/12/2018 ET DÉLAI DE SAISINE DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

LE TRANSFERT DU CONTENTIEUX DES PMI AUX JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES :

CE QUE CHANGE LE DÉCRET N°2018-1291 DU 28 DÉCEMBRE 2018

(DÉLAI DE SAISINE DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF)

Ce texte, pris pour l’application de la réforme des juridictions des pensions imposée par la LPM 2019-2025, va entrainer des changements procéduraux majeurs à compter du 1er novembre 2019 : dans cet article, le troisième, nous aborderons le délai de saisine du Tribunal Administratif en matière de Pensions Militaires d’Invalidité, qui s’appliquera dès novembre prochain.

Actuellement, le justiciable bénéficie d’un délai de 6 mois pour saisir le Tribunal des Pensions Militaires.

A partir du 1er novembre 2019, le Tribunal des Pensions Militaires va disparaître, et le Tribunal Administratif deviendra compétent à sa place.

L’article R421-1 du Code Justice Administrative dispose que le Tribunal administratif doit être saisi dans les 2 mois de la notification ou de la publication de la décision contestée.

La Jurisprudence décide que lorsque cette décision est implicite, le délai de 2 mois court à compter de sa formation (c’est-à-dire lorsqu’expire un certain délai sans que l’administration ait répondu à la demande).

Ce délai de 2 mois pour saisir le Tribunal Administratif devient applicable, à compter du 1er novembre 2019, aux décisions individuelles prises en matière de PMI et de droits annexes, à condition :

– qu’elles n’aient pas déjà fait l’objet d’un recours devant un tribunal des pensions militaires

– que ces décisions ne soient pas déjà définitives (puisque, dès lors, plus aucun recours n’est recevable).

La complexité vient de ce que le Décret indique que ce délai de 2 mois s’appliquera « sans toutefois que la durée totale puisse excéder la durée prévue par l’article R 731-2 du CPMIVG dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur » de l’autre Décret pris le 28 décembre 2018 pour la mise en œuvre du Recours Administratif Préalable Obligatoire (RAPO), soit une durée de recours contentieux de 6 mois (plus un ou deux mois si l’intéressé réside dans les DOM-TOM ou à l’étranger).

Le délai de 2 mois est donc censé s’appliquer sans que la durée totale du délai de recours dépasse 6 mois.

Pour tenter de comprendre la signification de cette « précision » obscure, qui  fera sans doute l’objet de litiges, il importe de savoir que la réforme de la procédure des PMI imposera aussi, à compter du 1er novembre 2019, l’exercice d’un RAPO dans un délai de 6 mois à compter de la notification ou de la formation de la décision du service des pensions faisant grief.

La Commission en charge de ce RAPO rendra ensuite une décision : c’est cette décision qui pourra être contestée devant le Tribunal Administratif dans un délai de 2 mois à compter de sa notification si elle est écrite, ou de sa formation si elle est implicite.

Mais avant le 1er novembre 2019 et la mise en place du RAPO, le service des pensions du Ministère des Armées va continuer à rendre des décisions qui seront notifiées aux intéressés, ce qui implique de se pencher sur la façon dont ces derniers exerceront leur recours, dans le cadre de la « précision » susvisée.

Pour balayer l’ensemble des situations, relevons que plusieurs hypothèses vont ainsi se présenter :

– Les personnes qui se verront notifier une décision du service des pensions leur faisant grief avant le 1er novembre 2019 et qui saisiront le Tribunal des Pensions avant le 1er novembre 2019 : aucun RAPO ne leur sera applicable, et, au 1er novembre 2019, leur dossier sera transmis en l’état par le Tribunal des Pensions Militaires au Tribunal Administratif compétent,

– A l’inverse, les personnes qui se verront notifier une décision du service des pensions leur faisant grief après le 1er novembre 2019 devront exercer un RAPO dans un délai de 6 mois, puis exercer contre la décision de la Commission chargée de l’examen de leur RAPO un recours devant le Tribunal Administratif dans les 2 mois de la notification de cette décision ou, s’il s’agit d’une décision implicite, dans les deux mois de sa constitution.

– Aucune exception n’étant prévue en matière de RAPO, on doit en déduire que la « précision » selon laquelle le délai de saisine du Tribunal Administratif sera de 2 mois dans la limite des 6 mois actuellement applicables pour saisir le Tribunal des Pensions, concernera les personnes :

– qui se verront notifier une décision du service des pensions leur faisant grief avant le 1er novembre 2019,

–  qui n’auront pas exercé leur recours devant le Tribunal des Pensions avant le 1er novembre 2019, et auxquelles il restera maximum 2 mois de délai non utilisé sur les 6 prévus,

– et qui exerceront leur RAPO, après le 1er novembre 2019, toujours dans les 6 mois de la notification de ou la formation de la décision des services de LA ROCHELLE.

Sauf à ce qu’un autre texte vienne compléter les Décrets du 28 décembre 2018 sur ce point, ces personnes ne bénéficieront plus, pour saisir le Tribunal Administratif contre la décision rendue sur le RAPO, que d’un délai représentant le reste du délai de recours juridictionnel de 6 mois non écoulé au jour de l’exercice du RAPO (qui suspend le délai de recours contentieux), et ce dans la limite de 2 mois.

Par exemple, si une décision de rejet est notifiée à une personne le 2 juin 2019, et qu’elle exerce un RAPO le 2 novembre 2019, soit 5 mois après la notification de la décision, cette personne ne pourra ensuite saisir le Tribunal Administratif contre la décision de la commission chargée de l’examen de son RAPO que pendant 1 mois après sa notification ou sa constitution, de sorte qu’elle n’aura eu en tout que 5+1 = 6 mois pour agir.

Le Décret pénalise donc les personnes qui ont tardé à exercer leur recours juridictionnel avant le 1er novembre 2019 : elles n’auront pas forcément 2 mois pour saisir le Tribunal Administratif.

Le reliquat de temps pour saisir cette juridiction pourra être très bref, et même se compter en simples journées … Sans même que les intéressés aient pu le comprendre, puisque le Décret ne prévoit pas d’informer les justiciables qui recevront des décisions du service des pensions pendant cette période transitoire, sur la façon dont ils devront exercer leur recours selon qu’ils agiront avant ou après le 1er novembre 2019 !

On pourra dès lors s’interroger sur l’opposabilité du nouveau délai aux justiciables qui, par définition, auront simplement reçu, au bas de la décision du service des pensions, une information selon laquelle le délai de recours devant le Tribunal des Pensions est de 6 mois !

– Pour finir, les personnes ayant reçu une décision du service des pensions entre le 2 septembre 2019 et le 1er novembre 2019, n’ayant pas saisi le Tribunal des Pensions Militaires avant cette date de sorte qu’il leur restera plus de 2 mois au titre de l’ancien recours juridictionnel de 6 mois, devront exercer un RAPO dans le délai de 6 mois de la notification de la décision des services de LA ROCHELLE, puis devront contester la décision rendue par la Commission en charge de leur RAPO devant le Tribunal Administratif dans un délai qui pose question, compte tenu du manque de clarté du Décret.

Par exemple, si une décision de rejet est notifiée à une personne le 2 octobre 2019, et qu’elle exerce un RAPO le 2 novembre 2019, soit 1 mois après la notification de la décision du service des pensions, cette personne devra-t-elle  ensuite saisir le Tribunal Administratif contre la décision de la commission chargée de l’examen de son RAPO dans le délai de 1 mois (de sorte qu’elle aura eu 1+1 = 2 mois pour le faire) ou de 5 mois (de sorte qu’elle aura eu 1+5 = 6 mois pour le faire) ?

N’y aurait-il pas rupture d’égalité devant la Loi si certaines personnes s’étant vu notifier une décision du service des pensions avant le 1er novembre 2019 bénéficiaient d’un délai de 6 mois, et d’autres d’un simple délai de 2 mois ?

Par ailleurs, comme indiqué plus haut, même si nul n’est censé ignorer la Loi, si la seule information  écrite reçue par le Justiciable concerne un délai de 6 mois pour exercer un recours, comment un délai de 2 mois, qui plus est morcelé, pourrait-il lui être opposé ?

Juridiquement, la situation est complexifiée à souhait et très mal précisée par le Décret. Elle risque d’être préjudiciable aux personnes qui devront contester une décision du service des pensions lors de la période de transition entre l’ancien et le nouveau système procédural.

Il est donc vivement conseillé aux personnes recevant une décision du service des pensions moins de 6 mois avant le 1er novembre 2019, de saisir le Tribunal des Pensions avant cette date, sans quoi elles seront exposées à des risques importants d’irrecevabilité de leur recours.

Maître Laure MATTLER
AVOCAT
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