REFORME DES JURIDICTIONS DES PENSIONS : LES MESURES INDISPENSABLES NON PRISES PAR LE DÉCRET 2018-1291 DU 28 DÉCEMBRE 2018

LE TRANSFERT DU CONTENTIEUX DES PMI AUX JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES : CE QUE CHANGE LE DÉCRET N°2018-1291 DU 28 DÉCEMBRE 2018 (LES MESURES INDISPENSABLES QUE LE DÉCRET N’A PAS PRISES)

 

Ce Décret d’application de la réforme des juridictions des pensions imposée par l’article 51 de la Loi de Programmation Militaire (LPM) 2019-2025, va entrainer des changements procéduraux significatifs à compter du 1er novembre 2019, qui ont fait l’objet de trois articles déjà publiés.

Dans le présent article, le quatrième et dernier, nous aborderons les dispositions que le Décret n’a pas prises alors qu’elles étaient nécessaires voire indispensables.

En effet, le plus préoccupant dans ce texte réside dans les mesures qu’il n’introduit pas dans le Code de Justice Administrative (CJA).

– Le Décret aurait dû modifier le 7° de l’article R 811-1 du CJA, pour prévoir en matière de PMI une exception à la règle qui veut qu’en matière de pensions, les parties ne peuvent pas interjeter appel.

Bien que le Décret prévoie le transfert des procédures en cours aux Cours Administratives d’Appel, il ne prévoit pas la possibilité pour le demandeur à PMI, ni pour le Ministère des Armées, d’interjeter appel des jugements du Tribunal Administratif, ce qui semble très grave et très préjudiciable aux justiciables du CPMIVG qui seraient privés de toute possibilité de contester le jugement, alors qu’actuellement ils peuvent saisir une Cour des Pensions, puis le Conseil d’Etat.

Il est donc primordial que le Gouvernement complète ce Décret par un autre, prévoyant la possibilité pour les parties d’interjeter appel devant la Cour Administrative d’Appel en matière de PMI, et d’exercer un pourvoi devant le Conseil d’État.

– Le Décret aurait dû modifier l’article R 222-13 du CJA pour prévoir, en matière de PMI, une exception à la règle qui veut que les Tribunaux administratifs peuvent statuer à juge unique en matière de pensions. Si le Gouvernement ne prend pas un Décret complémentaire pour l’indiquer, les audiences en matière de PMI pourraient ne plus être collégiales comme elles le sont actuellement, mais menées par un seul juge, ce qui est préjudiciable.

Ceci d’autant plus que le projet de loi de programmation pour la Justice 2018-2022 actuellement très controversé, prévoit en son article 22 la création de postes de « juristes assistants » pour traiter certaines matières dans lesquelles le Tribunal administratif statue à juge unique, et il semble primordial que le contentieux des PMI ne soit pas assimilé aux « contentieux sociaux », que certains ne craignent pas de dénommer « sous-contentieux ».

– Le Décret n’apporte aucune précision quant à la présence à l’audience du Tribunal Administratif de l’actuel Commissaire du Gouvernement, il semble donc disparaître au profit du Rapporteur Public, qui fait partie du Tribunal, lequel perdrait en impartialité et en indépendance.

Il importe de préciser de ce chef que les propositions de jugement du Rapporteur Public sont suivies la plupart du temps par les juridictions administratives, et que ses conclusions ne sont pas communiquées au justiciable, qui ne peut en connaître que le sens, et ce quelques heures avant l’audience… Or, il se positionne souvent en faveur de l’administration.

– Le Décret, s’il était le reflet des annonces politiques faites au moment du vote de la LPM, aurait dû imposer une procédure orale à la place de la procédure écrite applicable devant le Tribunal Administratif, mais il ne le fait pas.

La procédure en matière de PMI sera donc écrite, et ce n’est que le jour de l’audience que le requérant, sur la base de ses écritures, pourra présenter des observations orales (ce qui est également le cas dans les autres matières relevant de la compétence du Tribunal Administratif, et non une exception comme certains ont voulu la présenter…).

Cette situation constitue une régression par rapport à celle qui existe devant le Tribunal des Pensions, elle est préjudiciable car tous les justiciables ne sont pas en mesures d’argumenter en français et par écrit.

– Le Décret ne prévoit aucune disposition permettant aux juridictions administratives d’être efficaces en matière de PMI en ordonnant les expertises médicales prévues par le CPMIVG.

Actuellement, il est rare qu’un dossier de PMI, devant les juridictions des pensions, n’impose pas la mise en œuvre d’une expertise médicale dite « judiciaire » en application de l’article R731-15 du CPMIVG, qui est favorable au demandeur (notamment en ce qu’il est prévu que l’expertise soit effectuée rapidement : le président peut l’ordonner d’urgence, le jugement désignant l’expert est notifié à ce dernier « sans délai », le délai de dépôt du rapport n’est que de 3 mois, etc.).

Cette expertise judiciaire est indispensable, car les expertises effectuées en amont le sont par des médecins mandatés par le Ministère des Armées (article R151-9 CPMIVG) et ne présentent donc pas de garantie d’impartialité. D’ailleurs, bien souvent, l’avis de l’expert désigné par le TPM diffère de celui du médecin désigné par les services de LA ROCHELLE…

La Loi de Programmation Militaire est assez ambiguë puisqu’elle ne supprime pas les dispositions du CPMIVG qui régissent l’expertise mais, en son article 51, elle indique que les juridictions administratives statueront sur le contentieux des PMI « conformément aux règles du Code de Justice Administrative » (CJA), sous réserve de quelques aménagements qu’elle prévoit mais qui ne concernent pas les mesures d’instruction telle l’expertise prévue par l’article R731-15. On peut dès lors s’interroger sérieusement sur l’applicabilité des règles du CPMIVG qui gouvernent l’expertise devant les juridictions administratives.

Or, si les articles R621-1 et suivants du CJA prévoient la possibilité pour la juridiction d’ordonner, avant dire droit, une expertise, force est de constater que les juridictions administratives recourent peu à cette mesure, pourtant indispensable en la matière notamment pour chiffrer le taux d’invalidité, que les médecins civils consultés par les blessés ne sont généralement pas en mesure d’évaluer.

De plus, l’affaire mettant parfois deux ans avant d’être audiencée, il existe un risque de voir les procédures durer pendant des années si, une fois ce délai écoulé, lors de la première audience le Tribunal ordonne une expertise, et reporte l’examen du fond du dossier à une audience ultérieure, après expertise.

Enfin, si les règles fixées par l’article R731-15 du CPMIVG ne s’appliquent pas, l’expertise pourra être longue…

– Le Décret ne prévoit pas d’informer les justiciables auxquels des décisions seront notifiées par le service des pensions de LA ROCHELLE moins de 6 mois avant le 1er novembre 2019 sur la façon dont ils pourront exercer leur recours, selon qu’ils le feront avant ou après cette date.

Comme il a été vu dans le troisième article déjà publié, ce défaut d’information risque d’être fortement préjudiciable aux intéressés, dont la recevabilité des recours est clairement menacée.

En conclusion, il est impératif d’alerter le monde combattant sur les risques que présente ce Décret, et d’obtenir, avant le 1er novembre prochain, des dispositions règlementaires complémentaires plus conformes aux intérêts des justiciables du CPMIVG.

Maître Laure MATTLER
AVOCAT
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