REFORME DES PMI : L’ARTICLE 51 DE LA LPM 2019-2025

L’article 51 de la Loi de Programmation Militaire (ex-article 32 du projet de LPM), qui entrera en vigueur au plus tard le 1er janvier 2020, modifie en profondeur le CPMIVG et complète (de façon lacunaire) le Code de Justice Administrative sur plusieurs points, dont seuls les plus importants pour les Justiciables sont évoqués ici.

Premièrement, l’article 51 de la LPM supprime les juridictions des pensions, et confie le contentieux des PMI aux juridictions administratives.

Lorsque ce texte entrera en vigueur, les procédures en cours devant les juridictions des pensions seront transmises en l’état aux juridictions administratives, qui traiteront aussi toutes les demandes nouvelles.

Les recours relatifs aux PMI se verront dès lors appliquer les règles du Code de Justice Administrative, sous réserve de certaines dispositions du CPMIVG qui seront maintenues :

– possibilité (peu pratiquée) d’une audience à huis clos,

– possibilité pour le demandeur de comparaître en personne ou de se faire assister ou représenter par une personne de son choix (cet apport risque de ne présenter qu’un intérêt limité : outre que, devant le Tribunal Administratif, on peut déjà se défendre seul ou assisté par un Avocat, la technicité accrue du contentieux administratif tend à renforcer le rôle de ce dernier),

– et maintien de l’aide juridictionnelle de droit pour le demandeur devant les juridictions administratives.

L’article 51 prévoit également que le demandeur pourra formuler des observations à l’audience, néanmoins, faute de disposition claire de ce chef, il est difficile pour l’heure de savoir s’il faut l’interpréter comme une dérogation au caractère écrit de la procédure administrative, puisqu’elle permet déjà de formuler des observations à l’audience…

Cette réforme constitue une remise en cause de la spécificité du contentieux des PMI, qui implique jusqu’à présent l’intervention, à l’audience du Tribunal des Pensions, non seulement d’un magistrat mais d’un assesseur médecin et d’un assesseur pensionné (qui a l’expérience du terrain), lesquels ne siègeront pas au Tribunal Administratif.

L’article 51 de la LPM porte ainsi atteinte au devoir de mémoire, les juridictions des pensions et leur composition étant historiquement liées aux deux guerres mondiales que la France a connues.

 Historiquement aussi, les juridictions administratives sont proches de l’exécutif, et risquent donc de se montrer plus parcimonieuses dans la mise en œuvre d’expertises médicales et surtout dans l’allocation de pensions servies par l’Etat, qu’enclines à consacrer un véritable droit à réparation.

Ce transfert de compétence risque d’entrainer une inégalité des armes devant la juridiction administrative, puisqu’il semble envisagé de muer l’adversaire du demandeur à pension qu’est le Commissaire du Gouvernement, en Rapporteur Public, dont les propositions de jugement sont suivies la plupart du temps par les juridictions administratives, et dont les conclusions ne sont pas communiquées au justiciable, qui ne peut qu’en connaître que le sens, et ce quelques heures avant l’audience.

Enfin, les juridictions administratives sont moins nombreuses que les juridictions des pensions, de sorte que le justiciable, faute de proximité de son Juge, sera souvent contraint à des déplacements plus importants, d’où une augmentation du coût de la procédure.

Deuxièmement, l’article 51 de la LPM supprime la Commission de réforme et introduit le Recours Administratif Préalable Obligatoire (RAPO), selon des modalités inconnues, à définir par le Gouvernement par Décrets en Conseil d’Etat.

L’inconvénient majeur de ce nouveau dispositif réside dans l’impossibilité pour certains justiciables d’exercer le RAPO et de saisir le juge, selon le délai qui sera retenu pour exercer ces recours : s’il est trop bref (par exemple 2 mois, comme bien souvent), de nombreux justiciables, pour des raisons diverses (hospitalisation, convalescence, mutation, détachement, OPEX, etc.) ne pourront pas exercer le RAPO et seront irrecevables à saisir ensuite la juridiction administrative !

De plus, le RAPO présente une technicité inadaptée aux justiciables concernés, notamment car si la commission chargée du RAPO ne tranche pas dans le délai imparti, son silence sera considéré comme une décision implicite de rejet de la demande de l’intéressé, qui devra alors saisir la juridiction administrative dans un délai a priori de 2 mois, trop bref pour permettre aux personnes se trouvant dans les situations susvisées, de réagir efficacement. Et si ensuite, la Commission rend hors délai une décision négative sur le RAPO, on exigera encore du demandeur qu’il ressaisisse le Tribunal Administratif, sous peine d’irrecevabilité de son recours…

La composition de la Commission chargée du RAPO n’est pas garante de la prise en compte des intérêts des justiciables, la place d’un pensionné dans cette commission étant discutée alors qu’elle est primordiale.

Son intervention préalable à la saisine du Juge entrainera un allongement de la durée de la procédure et une augmentation de son coût, puisqu’il n’y aura a priori qu’une commission nationale.

Troisièmement, l’article 51 renforce les pouvoirs du Ministère des Armées dans la procédure particulière de « révision » des pensions affectées par ou relevant d’une erreur matérielle :

Le texte supprime l’obligation de saisir le Tribunal d’une demande de révision lorsque la pension résulte d’une décision de Justice. Ainsi, le traitement de la demande est réservé au Ministère, et ce n’est que pour recourir contre sa décision, souvent rendue après de longs mois d’attente, qu’il sera possible de saisir le Tribunal… Ce qui est conforme à la tendance ministérielle actuelle visant à réduire au maximum le contentieux des PMI.

Pour conclure, même si l’article 51 de la LPM prévoit qu’un rapport annuel devra être déposé pour rendre compte du suivi du transfert du contentieux et de la mise en œuvre du RAPO, l’inquiétude majeure reste que le projet de loi est très vague, et donne un blanc-seing au Gouvernement pour mettre en place sans débat les modalités de cette véritable révolution juridique et judiciaire, alors qu’elles sont déterminantes de l’effectivité des recours des blessés.

Il est primordial que les associations du monde combattant agissent ensemble auprès du Gouvernement pour faire entendre leur voix, avant que les Décrets d’application de l’article 51 de la LPM ne soient étalis sans prendre en compte les spécificités du contentieux des PMI.

Maître Laure MATTLER
AVOCAT
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